Microfictions

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Un espace consacré à la création de microfictions, où vous pouvez poster les vôtres. D'autres types d'œuvres courtes telles que les poèmes, les nouvelles, les fictions interactives et d'autres formes expérimentales peuvent aussi y trouver leur place.


Bonnes pratiques

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Drôle de cimetière empli de tombes vides
Que, muni d’un balai, arpente un fossoyeur.
Allant de bière en bière et visage livide,
Il court les feux follets aux sentiments vivides,
Mais ne voit qu’un reflet de brasiers vétilleurs.

Tant de matches joués pourtant perdus d’avance :
Cent fois vers la droite effleurés de l’index
Pour deux contacts noués. Voyant la concurrence,
Ils s’éclipsent sans hâte en foulant la confiance
De l’amant spartiate au diable de l‘apex.

Une approche tiède, un mot beauf ou trop leste,
Et l’écran, pour un rien se fige en pointillés.
Statut “lu” qui obsède ou “hors-ligne” qui reste,
La vérité survient et révèle une veste
Quotidien du gardien bon pour se rhabiller.

Des milliers de fantômes hantent son répertoire,
Ils observent muets ou vont vers d’autres plans
— Plans pour garder son môme ou plans culs rotatoires.
Du balai, du balai, le gardien sans histoires
Ne se veut pas défait malgré tous ces choux blancs.

Il faut bien que la chance assoupie en coulisses
Lui accorde un succès, un seul et sans rivaux
Pour entrer dans la danse à un moment propice.
Sur ce coup de balai ? Non : réseau hors service.
Du ballet, du ballet dans les vides caveaux.

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Suite de Serveur confusion - ep. 05 - Copier

Premier épisode ici

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Mesdames et Messieurs, bonsoir.

Vous êtes à l’écoute de notre émission hebdomadaire, Actualités et Découvertes, sur Radio Culture. Comme tous les dimanches soir, nous revoyons ensemble les évènements qui ont fait l'actualité de la semaine.

Rappelons les titres marquants de cette semaine du 5 février.

Le dernier panda de son espèce, Tanukisan, vient de fêter ses 4 ans.

Le télescope James Webb confirme la rumeur circulant sur internet depuis une semaine. Il existe bien un point de couleur fuchsia, au sein de notre galaxie.

Un nouveau point sonore est soudainement apparu dans la nuit du 2 au 3 février, dans la région du Gers. Les scientifiques, spirituels et curieux de tous bords, se sont déjà amassés autour de l'élément paranormal.

Au japon, le dernier panda, Tanukisan vient de fêter ses 4 ans. Le panda, en tant qu'espèce, est devenu un symbole fort de la culture nippone depuis trois ans, après que la dernière femelle ne se soit éteinte. Souvenirs, porte-bonheur et gâteaux à l'effigie de la nouvelle mascotte, font fureur au pays du soleil levant. À l'occasion de cet anniversaire, un festival qui se déroule au travers du pays rassemble adultes et enfants, jusqu'à la fin de semaine prochaine. Le mot-clé “#tanukisangambatte” se relaie sur les réseaux sociaux, en soutien à l'animal. À l'occasion, le gouvernement japonais a déclaré le jour d'aujourd'hui, nouvelle journée fériée.

Le télescope Webb a retourné des images démontrant l'apparition d'un point de couleur fuchsia, quelque part dans notre galaxie. Cette image vient à confirmer les témoignages d'observateurs du monde entier qui commençaient à partager leurs propres captures, depuis plusieurs jours déjà. Le porte-parole de l'Agence Spaciale Européenne, dans une déclaration plus tôt aujourd'hui, nous indiquait que le point a des spécificités comme nul autre corps astral connu. Sa distance à la Terre ne peut être mesurée par des méthodes traditionnelles. Je laisse la parole à notre collègue Noël Abbadi, de la rubrique Sciences Étonnantes, qui saura expliquer cette déclaration en de meilleurs termes.

« Noël, pouvez-vous nous dire en quelques mots ce que signifie la déclaration de l'agence Européenne ? »

« Bonjour Michel. Oui donc, pour faire court, le point que nous observons ne change pas de taille selon d'où nous l'observons.
« L'image capturée par un télescope situé dans l'Équateur par exemple, sera identique à celle d'un télescope situé en Antarctique. Le point aura la même taille, même couleur, même forme. À l'œil humain, le point est si petit sur ces images, qu'il est normal qu'on ne voie pas de différence.
« Toutefois, les agences spatiales Européenne, Américaine et Japonaise de recherche spatiale, sont arrivés à un consensus, basé sur des calculs précis : le point, bien que “visible”, n'a pas de distance à proprement parler.
« Si pas de distance, il n'a pas de position dans l'espace, comme le démontre le principe de distances Euclidiennes. »

« Pour nos auditeurs, un petit rafraichissement de leurs cours de mathématiques de collège ? »

« Oui alors, le principe de distance Euclidienne est tel que l'on peut déterminer la position d'un point par sa distance à un autre point.
« Or, ce n'est pas le cas ici. Nous pouvons empiriquement déterminer une distance approximative de ce point à ici, par le simple fait que d'autres astres l'éclipsent selon les heures de la journée. Pour simplifier au possible, différents corps célestes “passent” entre ce point et notre planète.
« Mais nous avançons à tâtons, nous n'avons pas d'autre choix que d'observer patiemment ce qui “passe” devant et derrière ce point, pour comprendre où il est "supposé" se situer. »

« C'est un travail de fourmi. »

« Exactement. Je pense que nous devrons attendre plusieurs années avant de mieux comprendre ce “qu'est” cette apparition. Est-ce le premier et le seul, ou en existe-t-il d'autres dans l'Univers, hors de portée de nos instruments de mesure ?
« C'est un phénomène historique qui met la communauté scientifique sens dessus dessous et à bien forte raison. Nous sommes tout simplement pris de court, mais cela n'enlève rien à notre émerveillement et curiosité. C'est une période très excitante. »

« Excitant en effet. Merci pour cette explication Noël. »

La communauté de chasseurs d'étoiles est en effervescence et un appel à un deuxième raid de l'aire 51 au Nevada, États-Unis, a été lancé. À ce sujet, nous invitons nos auditeurs à rester modérés dans leur réaction et de ne pas relayer les fausses informations qui se multiplient.

Autre phénomène insolite !

Un nouveau point sonore est spontanément apparu dans le département du Gers, dans la commune de Condom-en-Armagnac. Les touristes et curieux de tous bords ont déjà commencé à visiter la nouvelle anomalie.

Notre journaliste Moussef Bédouin s'est spécialement déplacé au point sonore pour en enregistrer un extrait d'une minute, que nous vous passons immédiatement.

Veuillez noter que ce point sonore est apparu dans le jardin de monsieur Pierre Cabanier, c'est donc une propriété privée. Lorsque nous l'avons contacté, le retraité nous a confié "apprécier la soudaine compagnie", alors qu'il vit seul. Toutefois, il a commencé à faire payer l'entrée… Houlà, une trentaine d'euros. Gardez votre portefeuille à portée de main, si vous faites le voyage.

Comme vous pouvez l'entendre dans l'enregistrement, nous percevons les sons d'une ville. Il s'avère qu'une communauté d'internautes a déjà pu identifier le modèle d'une des voitures entendues. C'est le modèle S30 de la marque Nissan, produit exclusivement au Japon entre les années 1969 et 1978. Nous pouvons également percevoir dans les bruits du lieu, des individus discuter en langue japonaise. Alors, le son que nous pouvons entendre dans le jardin de monsieur Pierre Cabanier, provient-il d'une ville Japonaise des années 70 ? Exprimez-vous dans les réseaux sociaux et nous commenterons sur vos réactions, en fin de soirée.

Un message de précaution cependant. Bien qu'inoffensifs, ces phénomènes surnaturels ne sont pas sans rappeler la tragédie de la ville de Kars, Turquie, dans le début des années 2000, où rappelons-le, un son de volume extraordinaire a provoqué une onde de choc destructrice. Nous ne connaissons toujours pas la cause de la catastrophe, si ce n'est que le son qui s'est propagé était un enregistrement d'une émission russe. Cela a entretenu depuis lors, des tensions entre les pays d'Europe occidentale et d'Asie centrale.

Myriam Bellamy, vous êtes l'un de nos envoyés spéciaux qui s'est déplacé à travers le Monde pour nous retransmettre les enregistrements d'autres émissions sonores qui sont mystérieusement apparues dans déjà trois pays à travers le Monde.

Dans la ville de Ruzhou, province du Henan en Chine, supposément des enfants qui s'expriment dans une langue morte à l'intérieur d'un lieu d'éducation.

Dans le district de Enjil, province d'Hérât, en Afghanistan, où vous avez eu peine à vous déplacer, en raison des politiques internes au pays, n'est-ce pas. Vous nous rapportiez à l'époque entendre de la musique rock'N Roll des années cinquante, et les sons habituels d'un bar américain.

Dans une grotte de la région de Boedy, sur l'île de Madagascar. Ce point-ci est le plus étrange, n'est-ce pas. Comme nous le surnommons “le bip”, nous pouvons seulement entendre un bip à intervalle irrégulier et rien d'autre.

« Alors vous qui avez pu en témoigner de visu, qu'en pensez-vous Myriam, vos impressions ? »

« Écoutez Michel, il va sans dire que ces phénomènes sont pour le moins dérangeants. Pourtant, et ce n'est que mon avis personnel, nous sommes à un âge où le Monde devient de plus en plus incompréhensible, avec ces phénomènes étranges et inexpliqués qui se multiplient mois après mois. Dans d'autres nouvelles plus terre-à-terre, les tensions entre Union Européenne, États-Unis et Asie centrale se durcissent. Ces points sonores sont une distraction bienvenue aux autres inquiétudes qui peuplent notre quotidien ces derniers temps. Au cours de mes voyages, j'étais heureuse de voir des sourires sur les visages des visiteurs, alors que nous devenons de plus en plus, et à juste raison, apathiques face aux évènements de notre actualité.
« J'ai particulièrement apprécié m'assoir près du point de Ruzhou en Chine, et écouter les enfants chanter et rire. Soit dit en passant, des chercheurs en linguistique ont émis l'hypothèse que la langue entendue soit du Sumérien, parlée jusqu'à 2000 ans avant Jésus-Christ. C'est tout de même incroyable, nous pouvons aujourd'hui entendre des sons disparus depuis des temps immémoriaux. Par ailleurs, l'arrivée de touristes dans les points reculés de Chine, Afghanistan et Madagascar boostent l'économie de ces régions. C'est 100% positif à mes yeux. »

« Haha en effet, c'est un point de vue intéressant. Un peu de positivisme ne fait effectivement pas de mal. Eh bien merci Myriam, à une très prochaine fois dans l'émission Actualités et Découvertes. »

« Merci. »

Chers auditeurs, vous étiez à l'écoute de l'émission Actualités et Découvertes, sur Radio Culture. Comme tous les dimanches, nous vous y rappelons les titres de l'actualité de la semaine.

Restez à l'écoute pour la prochaine émission de la soirée, “Deep fake, fake news, comment s'y retrouver”.

Merci, à dimanche prochain.

Suite : Serveur confusion - ep. 07 - Placeholder

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Depuis que tu dors au jardin,
Je ne t’apporte plus de roses.
Entre inoubli et anodin,
Tant de souvenirs que j’arrose.

Je ne t’apporte plus de roses,
Toute la nature est à toi.
Tant de souvenirs que j’arrose
À coups d’absinthe, de vodka.

Toute la nature est à toi
Jusqu’aux griffes de l’aubépine.
À coups d’absinthe, de vodka,
Je révère une proserpine.

Jusqu’aux griffes de l’aubépine,
Danse l’éclat du papillon.
Je révère une proserpine
Où ont poussé les endymions.

Danse l’éclat du papillon
Qui rêve de vivre en automne.
Où ont poussé les endymions,
Seules fleurent des anémones.

Qui rêve de vivre en automne
Quand on a l’ombre d’un noyer ?
Seules fleurent des anémones,
J’écris ces mots pour t’oublier.

Quand on a l’ombre d’un noyer,
Les journées deviennent quiètes.
J’écris ces mots pour t’oublier,
Mais tu vis toujours dans ma tête.

Les journées deviennent quiètes
Entre inoubli et anodin.
Mais tu vis toujours dans ma tête
Depuis que tu dors au jardin.

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De l'anglais writing prompt. Je ne connais pas la traduction exacte.
Dans le titre d'un post, une description d'un début d'histoire. Chaque commentaire du post est une nouvelle écrite à partir de la description.
Exemple de la communauté /r/writingprompt sur Reddit https://www.reddit.com/r/writingprompt/comments/fv9fek/wp_there_is_an_unbroken_rule_in_your_household/

Il existe dans votre foyer une règle immuable, établie par votre arrière-grand-père de son vivant : personne ne doit jamais pénétrer dans le grenier. Un beau jour, pris de curiosité, vous décidez d'aller y jeter un coup d'œil. Vous y trouvez votre arrière-grand-père en train de jouer aux cartes avec ses meilleurs amis.

Avis ?

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Suite de Serveur confusion - ep. 04 - GPU

Premier épisode ici

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Si vous lisez ce texte, laissez-moi vous dire une chose. Je suis encore dans les parages.

J'ai commencé à écrire ce journal pour passer le temps et arrêter d'oublier des détails de ma vie. Le tout est enregistré sur un cloud décentralisé, basé sur une blockchain. Grâce à cette technologie supposée renversante, le fournisseur du service le vante comme suit : 
“Un cloud aux données garanties permanentes.”

J'en ris. Pas aux larmes, mais c'est suffisant pour expirer un peu d'air de mon nez. 200 ans et plus de stockage, n'a rien de permanent. D'ailleurs, que ce passera-t-il lorsque tous les ordinateurs nœud de cette blockchain seront finalement éteints ? Cela signifiera une chose ou l'autre, la société telle que je la connais aujourd'hui se sera effondrée ou ces bêtises technologiques d'un monde 2.0 ne seront finalement plus au gout du jour. Mais je peux seulement vous garantir une chose : je serai encore dans les parages.

Donc si vous lisez ce texte, je vous félicite. Vous faites maintenant partie d'une élite incroyable, au pouvoir de craquer une clé d'encryptage sha256 en moins de plusieurs milliards de milliards d'années. J'ose imaginer que les ordinateurs quantiques se sont finalement démocratisés alors. Ou théoriquement, avez-vous réussi à voler ma clé privée. Comme si vous ayez été en pouvoir de me voler quoi que ce soit. Vous ne pouvez pas le voir, mais je ris en écrivant cela. Je me moque de vous. Je pousse de l'air de mon nez à votre dépit.
Non, autant cela m'ennuie de l'admettre, il y a plus de chances que vous n'existiez simplement pas. Cela m'attriste un peu, mais je suis presque sûr d'écrire ces lignes pour me défouler, et les livrer au silence familièrement borné du néant.

Mais je vais jouer le jeu. Pendant un instant, quoi que vous soyez, vous allez être mon intime confident et mon meilleur ami pour la vie.

Au début, on tombe amoureux, on construit une famille. Une fois, deux fois, même au bout de dix fois, une autre âme nous touche. Une autre étincelle jaillit le temps d’un énième amour. Mais comme pour les guerres, après quelques dizaines, soyons réaliste. Ça ne fait plus rien.
Je ne méprise pas les mortels. Mais voyons les choses en face, nous ne sommes plus de la même espèce. Vous avez déjà interféré avec une colonne de fourmis ? Vous avez vu comme elle se reforme ? Et bien l’Humanité c’est pareil. Même le plus innommable des génocides, le Monde oublie après quelques décennies.

Vos livres ont marqué la naissance de grands mouvements, refait le monde. Vos musiques ont fait marcher des générations à la guerre ou ont rapproché des peuples qui n'avaient rien en commun. Votre art est beau et unique et vivant, à votre image. Or, savez-vous pourquoi la poussière est toujours grise ? La poussière aussi est un fourmillement, une plénitude de vies et de richesses. Alors pourquoi à vos yeux c'est gris ? Il y a beau y avoir au détail tout un monde de peaux mortes, poils de chat et d'humain, cheveux, particules de nourriture et d'excréments, acariens morts et vivants. Fibres de vêtements, particules de plomb ou de PVC, traces de peinture, de fumée de cigarette et gaz de voitures. À vos yeux, c'est gris. Pourquoi ?

Il s'avère que tous ces éléments mis ensemble sont terminalement infinitésimaux. Si bien que la lumière ne peut interagir correctement avec eux. Lisez si insignifiants, qu'ils n'ont pas de couleur. Vous voyez où je veux en venir. C'est une métaphore pour dire que votre monde est en noir et blanc, dans un univers dont moi seul voit les couleurs. Et c'est pour ça que je m'ennuie à mourir. Ne tournons pas autour du pot.

Oh, j'étais comme vous il y a des temps immémoriaux. Je suis né d'une mère comme vous et j'ai grandi, comme vous tous. Nous n'avions pas le chauffage à cette époque. Ni des tennis confectionnés par des esclaves de l'autre bout du Monde, pour courir confortablement. Pas de fibre de verre pour isoler nos murs, et certainement pas de transports en commun. La vie était plus calme, et certainement moins peuplée, il va sans dire.

Je ne me souviens pas des visages de mes proches, les détails sont flous. Mais je me souviens être tombé malade. Nous ne savions pas ce qu'était un virus a cette époque, et je ne comprenais pas que la grippe menaçait de m'emporter heure après heure. Mes géniteurs ont pleuré à mon chevet. Il se préparaient à me voir partir dans un délire fiévreux.

Mais j'ai survécu.  Puis j'ai survécu à leur mort. J'ai survécu à la guerre qui a ravagé mon pays natal. 

Puis j'ai survécu aux autres guerres qui se comptent par centaines. S'il y a bien une chose que vous aimez, c'est la guerre.  Fort heureusement, les matchs UFC et les débats houleux existent pour vous défouler aujourd'hui. Vous n'avez pas idée.

C'est un bien évident euphémisme mais : Il va sans dire que je m'ennuie. 

À l'évidence, j'ai bien essayé de me divertir de par toutes les activités possibles et imaginables. Pour être franc avec vous, j'en ai d'ailleurs perdu le compte. Il était question de sauver des vies, mettre fin à des conflits nationaux. Sensations fortes, saut en parachute. Essayez de sauter d’un avion quand vous ne pouvez pas mourir, vous ! Ça ne vous procurera pas le moindre frisson, je vous le garantis.
Parfois l'ennui monochrome et la solitude m’étreignent et frappent si fort que je me replie sur moi. S’ensuivent 30 ans,50 ans,70 ans, de réclusion dans une grotte ou sur un sommet de montagne. Mais je suis toujours de retour.

Il n'existe pour moi qu'un seul passe-temps. Vous trouverez sans doute le sujet délicat et je m'amuse de l'hypocrisie. Mais je comprends. Alors comprenez à votre tour que même la mort tragique d’un être qui vous est cher, quand bien même votre monde s’écroule, l’Univers s’en fout. Et si l’Univers s’en fout, moi je m’en fous aussi. Un humain est un amas de cellules divisible, un corps en décrépitude qui se meut. Dans quelques décennies, il n’y aura plus de trace de votre passage. Tout le monde est remplaçable ; à part moi.

Je suis un junkie d’adrénaline. Ce shoot que mon cerveau reptilien continue de me fournir jusqu’à aujourd’hui. Rien, vraiment rien ne me distrait comme tuer.

C’est vrai que les premiers siècles de ma vie, c’était un peu perturbant. L’empathie frappe et l’on se sent mal à l’aise. On se retrouve même à se confondre en excuse face au regard vitreux du corps qui s’affaisse. Puis au fur et à mesure, on accepte l’évidence. Vous n’êtes rien de plus que de beaux papillons éphémères. Tous différents et tous semblables. À la lisière de votre vie, c’est à-peu-près continuellement la même histoire. Vous suppliez et négociez. Puis, vous vous mettez en colère. Et à la fin, vous vous résignez. Ou une autre combinaison du même genre. Enfin, vu votre ridicule espérance de vie, à tous, imaginez bien que votre réaction, c’est presque du copier-coller.

Mais Léon, je dois avouer qu’il est différent.
Léon, c'est le premier ami que j’aie eu depuis une éternité. Léon quand je l’ai menacé avec une arme il a pas cherché à s’enfuir ou me désarmer. Il s’est pas mis à genoux, il a pas hurlé.
Léon, il s’est mis à me raconter des blagues. De bonnes blagues en plus, je sais pas d’où il tient ça, c’est incroyable. Il nous arrive encore de nous asseoir parfois et pendant des heures, je ris aux larmes de ses histoires. Il est vraiment unique au monde.
    Or, le temps lui est aussi compté, à mon ami. Et lorsque je le regarde dormir avec ses cheveux grisonnants, je ne vois rien d’autre que son échéance prochaine. Ça me brise le cœur. La tristesse et l’urgence de sa courte vie me pèsent alors si fort, que je frappe d’un coup sec aux barreaux de sa cage. Comme à chaque fois, il sursautera et s’assoira dans un souffle. La gueule enfarinée, les yeux rougis et cernés il regardera dans ma direction. Il regardera vers moi et dira la voix tremblante :
“OK patron, de quoi on veut parler aujourd’hui ?”

Et de cette voix éclatera un petit rire nerveux.

Suite : Serveur confusion - ep. 06 - Flux

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On raconte toujours que les esprits habitent les humains et les chèvres, mais qu'en est-il des objets du quotidien ?
Il y avait un démon prisonnier d'un tube de dentifrice, un autre coincé dans un rouleau de PQ.

Lorsque vous videz les fonds de placards, les frigos, ne buvez pas la dernière goutte, ne froissez jamais la dernière feuille, de peur de libérer une force obscure.

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Au rendez-vous mondain converge ce qui brille
Exhibant trop de fard sous un strass de gala,
Un port presque altier d’où fuse un rire gras,
Nos lèvres, d’un mousseux ont les yeux qui pétillent.

Les narcissiques feux sur tant de pacotilles
Nous empêchent de voir dans tout ce brouhaha ;
Comme on n’a rien à dire, on converse avec soi
Et l’on mime en écho des vidéos pastilles.

Enfin l’on se souvient de la cause du jour ;
Dans la pose étudiée, un inepte dicours
Donne un million de vues et l’on se congratule.

Quel talent si précieux une telle vertu
Pour sauver la planète, enfin, c’est un début.
La misère est si triste depuis notre bulle.

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Suite de Serveur confusion - ep. 03 - Service desk

Premier épisode ici

Cette nouvelle est la première partie d'une trilogie

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Au début, il n'y avait rien. Le noir complet. Le silence absolu.

Puis émergeant du vide, un premier bang. De nouveau le silence. Toujours rien. Les ténèbres.

Vint le deuxième bang. Et un troisième. Et encore un, encore un, puis un autre. Un bruit imparfaitement régulier. Un cheval au galop. Une locomotive à vapeur.

Vous avez pensé que je vous raconterais l'histoire du Big Bang, hein. Non, cette histoire est bien plus ennuyeuse. C'est l'histoire d'un cœur qui bat. Et aussi pas mal celle du cerveau attaché au même corps. Le propriétaire de ce cerveau et de ce cœur se reconnaitra un jour sous le nom de Dan. Mais pour le moment ce n'est pas grand-chose. Et ce pas grand-chose se forme dans l'obscurité.

Sa chair est encore si transparente qu'on en voit les veines, traversées d'un sang clair. Pas encore de métaux lourds emmagasinés par la consommation de cigarette. Le foie est pur et rose et bien formé. Le tout est un joli bouquet garni de chair et d'espoir.

Le rythme de battement du cœur variera peu au fil du temps, si ce n'est à diverses occasions, entre-autres l'assimilation de diverses substances. Par exemple, il s'accèlerera le jour où il dira à Gabriel qu'il l'aime. Mais aussi le jour où dans la cour de récré il se fera humilier par Estelle et le groupe de filles. Mais ce ne sera rien comparé à la première fois où il prendra de la MDMA. Le jour où il tuera un autre humain, sera le plus vite qu'il battra sans une once de doute. Là il frôlera de peu l'arrêt et la mort.

Mais revenons à ce cerveau.

Dans 7 ans, le reste du Monde comprendra qu'il n'est pas très intelligent. Il pourra résoudre des problèmes complexes c'est vrai, plus rapidement que la moyenne. Mais que sont ces aptitudes, si la motricité et la compréhension du langage et des émotions sont en retard de plusieurs années. Les géniteurs de l'organisme de notre histoire sont et resteront pauvres, jeunes et mal guidés. Ils ne sauront pas quoi faire de la spécifité de Dan. Ils le couvriront d'amour, ce qui n'est déjà pas mal, et lui transmettront le sentiment qu'il est très spécial.

Ainsi, Dan entamera la fin de son enfance avec la conviction qu'il est en effet, très spécial.

Dans 14 ans, le cerveau ne sera toujours pas très futé. Son possesseur fera partie de gangs de “cool kids” qui fument, boivent et dealent. Ces gamins apprécieront la naïveté de notre sujet. Il se forcera à rire à toutes leurs blagues, même s'il ne les comprend pas toujours, et fera toutes les tâches risquées sans se poser de questions. Il volera des bouteilles de vodka dans les étalages, insultera les profs parce que ça fait rire la classe. Parce que les autres le feront se sentir spécial.

Dans 15 ans, quand le cerveau fera l'expérience du premier joint, il détestera. Il n'aimera ni le ralentissement, ni la déconnexion forcée des autres membres interconnectés. Mais il s'y fera. Parce que l'activité lui fera se sentir spécial et membre à part entière, du groupe des “cool kids”. Par contre l'alcool deviendra dès lors un vice qu'il gardera longtemps. Un outil redoutable d'intimité synthétique qui lui fera se sentir bien, presque normal. À sa place, au milieu de tous. Et des filles.

Dans 17 ans, Dan fera de la prison. Il se sera fait choper à vendre de la coke et son binôme s'enfuira sans lui, en scooter. Ça sera un tournant pour lui. Il voudra faire autre chose de sa vie pour changer. À sa sortie, il demandera à son cousin de le prendre en essai dans son magasin d'informatique de quartier. Lorsque le rideau de métal se fermera tous les soirs, il s'exercera sur un ordinateur poussiéreux et bruyant, dont le système d'exploitation sera alors dépassé de deux décennies. Il manipulera des tableaux dynamiques, écrira son premier programme. Jouera au solitaire et au démineur.

Dans 21 ans, son cousin comprendra finalement qu'il n'est pas si con. Le petit débile aura écrit son premier algorithme génétique et son premier classeur de tableaux dynamiques en apprentissage automatique. Un jour ou l'autre il en arriverait peut-être même à réclamer les centaines d'heures supplémentaires qui lui sont dues, voire la hausse de son salaire de misère. Il commencera à considérer le pousser à la démission, mais n'aura pas à se donner cette peine : Dan piquait dans la caisse depuis des mois pour s'acheter de la meth.

S'ensuivra une violente altercation ou Dan cèdera à la panique et s'enfuira avec le vieil ordinateur, après avoir asséné un vilain coup à la tête de son cousin. Il le laissera inconscient sur le sol derrière lui, et tous deux ne se reparleront plus jamais.

Dans 23 ans, le cerveau sera aux faits de toutes les théories conspirationnistes de son époque. Elles se compteront par dizaines de milliers et le compte se sera accéléré avec l'air de fin du Monde qui semble se profiler. Les allocations lui permettront de se donner à plaisance à ses activités de recherche à travers la toile. Il en oubliera souvent de se laver, mais qu'importe puisqu'il vivra seul.

Sa première théorie, qu'il écrira à travers un blog, n'attirera aucune attention. Cet essai sera une tentative maladroite de rapprochement de la biologie, au sens large et des systèmes informatiques. Il est vrai que l'article sera mal écrit et incohérent. Or, ce premier article est la raison même pour laquelle cette histoire existe. Il y a plus de cent milliards d'Homo sapiens sapiens nés jusqu'à quelques secondes avant le premier battement de cœur. Or peu d'entre eux auront réussi, à l'instar de notre protagoniste, à expliquer en des mots simples et digestes, le devenir fataliste de leur Univers.

Mais revenons à cet algorithme génétique.

Un soir dans le silence du magasin fermé, seul le visage de Dan est éclairé par la lumière bleue de l'écran cathodique. Le cerveau va vite, il est dans la zone de concentration parfaite où tout est magique, tout devient possible. Son hôte grimace, est secoué de spasmes et par intervalle, des petits sons sortent de la bouche. Le cerveau va peut-être trop vite.

Il se renseigne sur les algorithmes qui miment les lois de Dame Nature.

“Un programme informatique basé sur de tels algorithmes, est semblable à un petit microcosme avec une population. Il y a des papas et des mamans, sélectionnés ensemble pour procréer. Leur code génétique n'est rien de plus complexe, que deux tableaux remplis de zéro et de un, par individu.” “Lors de la phase de reproduction, ces tableaux sont coupés en deux et chaque moitié est recollée à une moitié de l'autre parti. Il en résulte quatre tableaux. On appelle ce processus “Enjambement”. Seuls deux des tableaux résultants sont sélectionnés pour représenter le code génétique du nouvel individu. Et voilà. Surprise du chef à la Mendel. Un mini-moi à ajouter à la population.” “Mais non attend, ce n'est pas complet.”

Dan se balance d'avant en arrière et se gratte la tête à répétition.

“Au bout de quelques générations les individus sont tous pareils, il n'y a plus de diversité dans la population. Sans varieté, la population stagne. Il n'a pas de stagnation viable dans la nature. Il faut une étape supplémentaire à la reproduction pour assurer la nouveauté dans leur code génétique.” “La solution après l'enjambement, est l'introduction d'une "mutation". Une valeur dans chacun des deux tableaux du nouveau-né est changée au hasard. Un zéro devient un, ou l'inverse.”

Les yeux s'écarquillent et le corps reste immobile quelques secondes. Le cerveau comprend intuitivement qu'il y à quelque chose à creuser, quelque chose liée au Monde qui l'entoure. Mais quoi.

Dans 26 ans, les détritus de l'appartement de Dan lui porteront compagnie. Le cœur aura commencé ses premières crises arythmiques, dans un corps malmené et en carence. L'individu aura créé son premier jeu vidéo basé sur un algorithme génétique et le mettra à disposition gratuitement. Les joueurs du monde entier évalueront le produit comme “une expérimentation médiocre”. Ils utiliseront des adverbes tels que “dérangeant”, “bizarre" ou encore “lugubre”. Le jeu tombera vite dans l'oubli, mais Dan sera déjà passé à autre chose.

Dans 28 ans, les théories complotistes auront plus que jamais la botte. La dernière en date sera due à un amateur d'astre, qui aura pris en photo la galaxie. Un pixel sur l'image aura une couleur inexplicable : fuchsia. L'expérience sera reproduite les jours suivants par des télescopes du monde entier, vite balayée de la main par les médias, toutefois.

Ce sera le déclic pour le cerveau, le début d'une longue série de découvertes et de conclusions justes. Il est à déplorer que le système de points et récompenses, dont l'humain est si friand, manque tant de qualité dans le règne naturel. Dans un monde parfait, Dan aurait au moins reçu un badge ou une sucette, pour ses découvertes exemplaires. Il ne recevra pourtant que discrédit et humiliations.

Il se sera mis en tête de créer un podcast et communiquer au monde ses théories.

"Vous vous extasiez tous sur une série de photographies qui sort de nulle part. Vous savez ce dont on est capable de nos jours avec les deep fake ?!!" "Si et seulement si ces images étaient bien réelles et ses auteurs de bonne foi, ça signifierait que le programme qui rend le fond de la galaxie a perdu l'image qu'il devait rendre. En résulterait son absence, illustrée par la couleur fuchsia." "C'est ce qui arrive dans un jeu vidéo. Si une image est introuvable, le programme la remplacera par du fuchsia ou du vert. C'est bien connu. Et si cela venait à arriver dans le monde réel, je ne perdrais pas mon temps, comme vous tous, à m'exciter sur les réseaux sociaux, parce que ce serait très, mais alors vraiment très grave. Ouvrez les yeux, troupeaux de moutons décérébrés !"

Peut-être que l'Humanité n'aura pas été prête à entendre une vérité aussi brutale, ou plus surement le ton absolument abrasif de notre sujet n'aura pas été au goût de tous.

Il n'en reste que le protagoniste de cette histoire recevra une attention indésirable. Il deviendra un même sur les réseaux sociaux, où sa tête aura été remplacée par celle d'un cheval. Une chanson qui le tourne en dérision deviendra violemment virale, et il recevra quotidiennement des menaces de mort. Tout le monde lui écrira de se foutre en l'air.

C'est une option que le cerveau envisagera pendant plusieurs mois.

Suite : Serveur confusion - ep. 05 - Copier

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Suite de Serveur confusion - ep. 02 - Mute

Premier épisode ici

Service Desk

< frenzylullaby | 2 février, 19:02 >

> Bonjour à tous,

> J'espère que c'est le bon salon pour soumettre ce genre de problème. Sinon merci de m'indiquer à quel autre endroit je pourrais le poster.

> Je suis en vacances chez mon grand père depuis une semaine, et j'en profite pour rafraichir son vieil ordinateur. Comme d'habitude, la machine est remplie de bloatware et malware. J'ai installé les logiciels de cleanup habituels, nettoyé la base de registre et scanné le système d'exploitation pour enlever les programmes malveillants.

> Mais j'ai rencontré un problème inhabituel et je n'ai aucune idée de comment le résoudre.

> Hier, pendant que mon grand père consultait ses mails, le curseur s'est mis à bouger tout seul. Il s'est déplacé vers la corbeille et a vidé son contenu. Ce qui est étrange, c'est que j'ai bien vérifié qu'il n'y avait pas de backdoor, ni de port inutilement ouvert. Je n'ai pas la moindre idée de comment le hackeur a réussi à prendre le contrôle du bureau. Bien entendu, mon premier réflexe a été de débrancher le câble ethernet et de m'assurer que l'ordinateur ne peut pas se connecter au WIFI. Mais je n'ai aucune idée de comment, la souris a continué de s'animer toute seule.

> J'ai redémarré le poste et de nouveau, le curseur en autopilote. Une idée de ce qui pourrait causer ce comportement ? Parce qu'en attendant, papi et moi, on a pas mal les flippes.

--

< BeaujoletNovice | 2 février, 19:14 >

> Je peux pas prendre ça au sérieux on dirait un creepy pasta. 

--

< PM_YOUR_KITTIES | 2 février, 19:18 >

> Ouais, ca m'a tout l'air d'un creepy pasta. Ou alors le début d'un de ces Alternative Reality Games ? Sérieux, ce forum devient vraiment n'importe quoi. C'est déjà bien le bordel depuis que les développeurs ont accepté l'intégration des IA.

--

< MrBottyBot | 2 février, 19:19 >

> Avez-vous essayé d'éteindre et rallumer votre ordinateur ? Selon notre sondage, 69.7% des problèmes informatiques peuvent se résoudre de cette manière.

--

< PM_YOUR_KITTIES | 2 février, 19:21 >

> Jesus, est-ce que les mods ne peuvent rien faire pour virer ces bots du salon ?! C'est du bruit pour rien.

--

< BenoitDumel - modérateur 2 février, 20:11 >

> @PM_YOUR_KITTIES, non je n'ai pas le pouvoir d'enlever les bots du salon malheureusement. Mais la discussion ne se porte pas sur le choix des devs, et j'aimerais qu'on ne parte pas hors sujet.

> À propos du post, @frenzylullaby est dans ce forum depuis 2016 et y a beaucoup contribué. C'est vrai que c'est un peu alambiqué, mais son histoire me semble légitime

– 

< tout-frais-meilleur-dong  | 2 février, 21:34 >

> Est-ce que la machine de ton grand père a un logiciel de bureau à distance installé, genre TeamViewer ? Ce type de logiciel a des vulnerabilités qui pourraient causer ce genre d'intrusion. À part ça, si l'ordi est coupé d'internet, c'est bizarre en effet. 

--

< J<3lesBourritos | 2 février, 21:43 >

> Vous vous prenez tous la tête pour rien. Je parie qu'il y a un programme qui fait bouger le curseur aléatoirement. Vous vous faites juste troller.

--

< frenzylullaby | 2 février, 21:47 >

> Pas de programme de ce genre dans les processus actifs. Grosso modo, il y a seulement un navigateur web et des documents. Je ne comprends pas.

< frenzylullaby | 2 février, 21:50 >

> Wow, mon grand père vient de m'appeler au salon. Apparemment le curseur vient d'ouvrir un éditeur-de-texte et a commencé à écrire un message.

– 

< pinot-ken | 3 février, 01:13 >

> Alors ???!!

--

< not-your-mom-maybe | 3 février, 15:33 >

> Le suspens me tue !

--

< pickle_satooomi | 3 février, 15:56 >

[deleted]

--

< Benoit Dumel - modérateur | 3 février, 16:05 >

> @pickle_satooomi, nous sommes sur un salon technique et politiquement neutre. Restons courtois, pas de politique, pas de relent homophobe.

> Dernier avertissement.

--

< frenzylullaby | 3 février, 18:02 >

> Désolé de ne répondre que maintenant. En gros, voila ce qu'il y avait d'écrit

> “ Hey < papi de @frenzylullaby> Votre poste de travail est dérangé. J'ai pris soin de nettoyer votre corbeille. Également votre taux de glycérine est au dessus de la normal, et votre tension est dans la moyenne haute. Marchez-vous suffisamment? <3 ”

> Je le retranscris de mémoire, parce qu'on a éteint et débranché le PC. J'ai trop les flippes. J'ose à peine à allumer mon ordinateur portable, maintenant.

--

< PM_YOUR_KITTIES | 3 février, 18:44 >

> Comme par hasard. Pas de photo, pas de preuve. Je le dis dès maintenant, @frenzylullaby est plein de bullshit.

--

< belial94 | 3 février, 19:16 >

> Personnellementt, j'aurais brulé le PC et envoyé les restes dans l'espace.

--

< TifaMeineWaifu | 3 février, 19:24 >

> Pareil, flippant !

--

< TiredHamburgerConan | 4 février, 13:39 >

> Hey @frenzylullaby. Moi je crois ton histoire. Est-ce que vous avez eu des migraines récemment ? Ça me rappelle le témoignage d'un internaute sur un autre salon il y a quelques mois. 

> Il se plaignait de maux de tête et disait que son propriétaire déposait des post-it dans son appartement pendant qu'il dormait. Il s'est avéré qu'il était victime d'intoxication au monoxyde de carbone. J'achèterais un détecteur pour ton grand père si j'étais toi.

--

< MrsBootyBot | 4 février, 13:41 >

> VENTE de détecteur de monoxyde de carbone, direct depuis l'usine. < Cliquez sur ce lien> et bénéficiez d'une remise de prix.

--

< BeaujoletNovice | 4 février, 14:01 >

> Mais WTF, c'est des bots ou des vendeurs de porte-à-porte ?! 

--

< nonnonnongo | 4 février, 14:04 >

> Bientôt ils vont essayer de nous vendre du viagra, LOL

--

< TifaMeineWaifu | 4 février, 14:05 >

> Bots begone !

--

< BenoitDumel - modérateur | 4 février, 14:11 >

> @here

> Comme je le disais, je ne peux rien faire pour les bots. SVP pas de hors sujet ou je vais devoir bloquer ce fil de discussion.

--

< belial94 | 6 février, 16:42 >

> Pas de nouvelles de @frenzylullaby ?

--

< frenzylullaby | 6 février, 17:06 >

> @TiredHamburgerConan, j'ai écouté ton conseil et installé un détecteur. Les taux sont complètement normaux. Je sais pas s'il y a eu une fuite qui s'est évaporée ou quoi. On verra bien dans les prochains jours.

> Mon grand père a rallumé son ordinateur, il n'y a plus de problème pour le moment. Je vous tiens au courant s'il y a du nouveau.

--

< pickle_satooomi | 6 février, 17:28 >

[deleted]

– 

< BenoitDumel - modérateur | 6 février, 17:39 >

> @pickle_satooomi est maintenant banni de ce salon. SVP soyez sages.

--

< not-your-mom-maybe | 6 février, 21:58 >

> Hey @frenzylullaby, le problème est pas survenu ?

--

< frenzylullaby | 23 février, 20:13 >

> Bonjour @here. Ça a été les deux semaines les plus bizarres de ma vie. La semaine dernière il n'y a pas eu d'autre incident, mais cette semaine, le malware/hackeur a recommencé à écrire à mon grand-père. Pour résumer, je sais comment ça va sonner, mais le texte était une liste de conseils diététiques, et d'hygiène de vie. Du genre dormir huit heures par nuit, prendre le soleil le matin, etc.

> Mon grand père n'y a pas prêté attention, et il a refusé que je réinstalle le système d'exploitation. Je sais que c'est juste un problème virtuel mais honnêtement, ça me met mal-à-l'aise.

> Surtout que hier matin, quand je suis descendu à la cuisine, il se préparait un milkshake de protéines, après une séance de callisthénie. Si vous connaissiez mon gran père, vous sauriez que c'est pratiquement un invertébré, avec un ventre à bière à pas voir ses orteils. J'en revenais pas mais je l'ai complimenté sur sa résolution de se remettre en forme. Il m'a répondu quelque chose de super dérangeant. Un truc du genre “ce n'est pas moi qui fais ça, c'est le curseur qui est aux commandes”. Je ne sais pas quoi faire. Je pense qu'il a besoin dêtre pris en charge par des médecins. Ça me rend triste.

< frenzylullaby | 23 février, 20:39 >

> Le problème c'est que ce matin en descendant, j'ai été assez stupide pour regarder l'écran de l'ordinateur allumé. Il y avait ce message :

> “ Hey @frenzylullaby

Tu as une dépression non traitée. Pourquoi ne pas te faire prendre en charge ? N'aie pas peur d'être toi-même sur internet. Girl power !!! <3 ”

> Je vous partage un screenshot du texte comme preuve

> attachement>>proof.jpg

--

< belial94 | 23 février, 22:19 >

> Quoi ? Non, l'horreur ! C'est peut-être le moment d'appeler la police, ce message est trop spécifique.

--

< not-your-mom-maybe | 23 février, 22:25 >

Super creepy

--

< PM_YOUR_KITTIES | 23 février, 22:41 >

Non mais attendez, c'est juste un message texte, @frenzylullaby a très bien pu l'écrire de lui-même et vous avalez ça sans vous poser de question.

--

< tout-frais-meilleur-dong | 23 février, 22:57 >

Je me range du côté de @PM_YOUR_KITTIES, ça ne veut rien dire et on se prend la tête pour rien, là.

--

< BeaujoletNovice | 24 février, 09:36 >

> Tout va bien @frenzylullaby ? Je veux bien croire que c'est pas une blague, mais je pense que vous devriez tous deux demander de l'aide. De la famille, des proches ? Il y a des numéros d'aide à la santé mentale sur le site. Ça n'est pas grand-chose, mais ça pourrait aider. Il ne faut pas rester comme ça.

< BeaujoletNovice | 25 février, 17:08 >

> @frenzylullaby, Dis nous que tu vas bien

--

< frenzylullaby | 9 avril, 18:37 >

> Desolé pour cette longue absence. Ça fait quelqu semaines que mon grand-père me dit qu'il est en autopilote. Il a déjà perdu 15 kilo et pris de la masse musculair. Il sort courir tous les soirs et se lève aux aurores pour cuisiner. Je ne l'ai jamais vu en aussi grande forme.

> Il a ouvert un compt sur Tinder et a déjà plusieurs rencontr de prévu avec des femm célibataires. Il m'assure qu'il ne fait pas ça de lui-même, que le curseur est aux command.

> J'ai essayé de suivr tes consei @BeaujoletNovice, mai j'a l'impressio que je perds aussi le contrôl. Je ne sa pas si c'e sensé ce qu je di. Tou e confu depu quelqu semain. J'ai commenc à mang equilibr et boir litr d'ea par jou. Dè qu me lev, je comm mes journ par deu heur d'aerobics.

> compren pa ce qu no arriv. Je que c'es complet dingu. sai p combien de tem pouvoir continu d'écri sur c forum. Chaqu jour sentimen deveni plus Personnage No Jouabl

> Le curs a continu écrir quotidi. Nou avon p la force d'éteind ordinate. Curseu di qu' connai fin, qu'el e ok.

> doi part po séance d'etireme. 

> J' peur jamai auss peur vi.

--

< MrBoastyBot | 9 avril, 18:40 >

Si vous avez des pensées suicidaires, n'attendez pas. Il y a des gens prêts à vous écouter à toute heure. Appelez le numéro gratuit d'aide en urgence, affiché au bas de ce site. Nous sommes là pour vous.

--

< PM_YOUR_KITTIES | 9 avril, 18:43 >

> Okay, bravo. C'est la meilleure histoire d'horreur que j'ai vue sur ce forum depuis plusieures années. Je croyais que c'était un forum technique, mais apparemment on trouve de tout aujourd'hui.

> C'est le signe pour moi de me désinscrire. Trop c'est trop.

--

< not-your-mom-maybe | 9 avril, 18:46 >

> @PM_YOUR_KITTIES, avoue que tu as les flippes en fait. C'est vrai que c'est super bien écrit. 

--

< TiredHamburgerConan | 9 avril, 19:30 >

> @PM_YOUR_KITTIES, @not-your-mom-maybe. J'aurais bien voulu dire que c'est délirant. Mais il m'est arrivé la même chose ce matin. Le truc du curseur qui bouge, l'éditeur de texte qui s'ouvre. Je sais pas ce qu'il se passe, mais ça a l'air de se propager.

__

< TifaMeineWaifu | 9 avril, 22:26 >

> @TiredHamburgerConan, moi aussi ! J'osais pas l'écrire, j'ai cru que je devenais dingue. C'est quoi ce bazar ?!!

--

< belial94 | 20 avril, 21:08 >

> Pas de news ?

--

< belial94 | 3 mai, 18:54 >

> Pas de news de qui que ce soit ?

--

< MrBestyBot | 4 novembre, 19:00 >

> Ce fil de discussion a été fermé, pour cause d'inactivité depuis plus de six mois.

Si vous désirez commenter sur ce sujet, veuillez créer un nouveau fil de discussion.

--

< I love fuchsia | 32 decembre 00:00 >

> heeeey :)

> <3

Suite : Serveur confusion - ep. 04 - GPU

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submitted 1 year ago* (last edited 1 year ago) by [email protected] to c/[email protected]
 
 

Devant, les arcades formées par des piliers pierre jaune brute qui s'enfilent en couloir, un couloir, une allée. L'université est ouverte. Elle est même presque carrément plein air.
Un mouvement d'élèves. Un courant. Il vient dans ma direction, et moi contre elleux, et je ne peux pas me retourner, ni partir de côté. Je vais contre.
Le couloir de cette Fac n'est pas très large mais il est ouvert. Au-dessus des piliers qui forment les arcades c'est le ciel bleu. Sous les arcades les élèves glissent autour de moi un·e à un·e, je vois leurs visages. Seule une personne me tourne le dos, immobile elle est debout un peu plus loin devant moi, je vois ses cheveux longs. J'essaie d'arriver jusqu'à ce personnage, contre le mouvement d'élèves. Quand je m'approche de la silhouette aux cheveux longs, je ne peux pas la contourner, aucune action possible. Je regarde dans mon inventaire… J'ai un inventaire ? Aucun objet à lui donner. Pas de possibilité de poser des questions. Les autres élèves ne sont pas interagissants, mais cette personne immobile c'est un personnage clé, je le sens. Je ne vois pas son visage. Est-ce que c'est un personnage humain ? Il/Elle tourne le dos quoi que je fasse, et le flot des élèves qui arrivent ne fait qu'augmenter en nombre.

Une professeure apparaît et je suis soudain emporté dans son groupe.

« Alors vos copies : Laurent c'est pas trop ça. Yacine tu t'améliores, mais peut mieux faire. »
Toujours entre des piliers, arcades en plein air, un nouvel espace qui s'est révélé.
« Scaramouche... Hmm oui, alors, qui a une critique à faire sur la nouvelle qu'a écrite Scaramouche ? »
Au premier rang des élèves assis·es par terre, en demi-cercle autour de la prof un peu sévère de 50 ans, une fille lève la main.
« Moi madame. Je pense que c'est trop scolaire, pas assez aéré, et le fil de l'histoire est un peu trop décousu. »
La prof se tourne vers moi :
« C'est vrai que ton récit est un peu fragmenté, tu dois faire des efforts pour obtenir basé plus longtemps. Mais figurez-vous qu'un éditeur l'a lu et a particulièrement apprécié. Ils en veulent un autre, dans la même veine. Lafarge, tu connais ? Qu'est-ce que tu penses d'eux ? »

Merde, Lafarge c'est une entreprise qui s'est compromise dans des relations commerciales avec l'État Islamique. Ils sont dangereux et corrompus, même dans l'édition littéraire.
« Euh, c'est un éditeur qui fabrique des romans pour têtes de gondoles ? »
...Voila tout ce que je trouve pour gagner du temps, et ne pas avouer que je vais devoir refuser.

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Il n'y a que deux voies possibles aux bâtiments Stendhal : manutentionnaire ou commercial⋅e.

D'une certaine manière, nous on sait ce que c'est de faire fructifier l'argent des autres. Les patrons n'en font jamais voir la couleur.

Un jour la voisine qui a des angoisses comme moi, me dit : « Prends ces 200 Euros, et va les jouer à la roulette. »
Je n'ai jamais mis les pieds dans un casino, mais elle a besoin d'argent pour payer son opération et elle est superstitieuse.
C'est vrai que sur mon acte de naissance, je porte un stigmate du destin.

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Suite de Serveur confusion - ep. 01 - Architecture

J'ai écrit cette nouvelle il y a quelque temps déjà, avant que les évènements en Ukraine ne se déclenchent. Disclaimer oblige, les détails de cette nouvelle ne sont en rien inspirés de l'actualité et toute ressemblance est purement accidentelle.

Mute

Ils disent que lors d'une explosion, pour minimiser les dommages de l'onde de choc sur les organes, il faut se tourner dos aux fenêtres et ouvrir la bouche.

Lorsque l'onde de choc est arrivée, j'étais en train de bailler en m'étirant devant la TV. C'est ce qui m'a sauvé je pense. Je suis certainement le type le plus chanceux dans ce monde. Si on peut appeler ça de la chance. J'aurais peut-être préféré mourir si on m'en avait donné le choix. Je ne sais pas.

Je me souviens avoir été éjecté de notre fauteuil et fini à quatre pattes sur le sol. Le bruit était si fort, que j'ai entendu un bourdonnement des semaines entières. Je me souviens que lorsque j'ai levé les yeux, le salon était dévasté. “Pourquoi la TV est sur les genoux de ma mère ?” a été ma première pensée. Je sais que c'est absurde, mais j'étais complètement déboussolé. Puis ça m'est venu, “Quelque chose de grave vient d'arriver”, quelque chose de très grave. Je le sentais au fond de mes tripes, mais c'était sur le moment pas plus qu'une intuition, malgré le champ de ruine qu'était devenu notre appartement.

Ma deuxième pensée a été vers ma petite sœur bébé Xao, qui dormait pas loin de moi quelques secondes auparavant. Je l'ai trouvée quelques mètres plus loin, allongée au sol, dans une position grotesque. Ma petite Xao est morte ce jour-là, sur le coup. Je ne pense pas qu'elle ait souffert.

Ma mère, oui. Elle était assise en face de moi, visiblement en souffrance, le visage caché par ses cheveux en bataille. Elle s'était couverte les oreilles de ses deux mains, ensanglantées. Je ne comprenais pas d'où venait le sang, puis j'ai compris qu'elle saignait des oreilles et du nez. Elle semblait gémir de souffrance, mais je ne pouvais pas l'entendre. Tout ce que j'entendais, c'était ce bourdonnement envahissant. Je me suis assis contre le mur en face d'elle, et l'ai regardée s'affaisser doucement, centimètre après centimètre. Mais je n'ai rien fait, j'étais moi-même en complète catatonie, incapable d'enregistrer l'ampleur de ce qui venait d'arriver.

Je pense que plusieurs heures ont passé, parce qu'il a commencé à faire noir. Le corps de ma mère est devenu une silhouette sombre et immobile. Tout était si étrange, il n'y avait plus aucune lumière dans la ville.

Il a commencé à faire froid. Et j'ai commencé à avoir très peur. En tant qu'enfant, je n'avais aucune idée de quoi faire, plongé dans une solitude que je n'avais jamais connu de ma vie. Quand bien même je tremblais de tous mes membres, une petite voix dans ma tête m'a dit qu'il fallait ranger. Comme si faire de l'ordre dans la pièce allait ranger le fouillis dans mes idées et m'aider à savoir quoi faire.

Alors j'ai commencé à scotcher les fenêtres, installer le réchaud que mon père et moi utilisions quand nous partions au camping. Puis je me suis fait des nouilles instantanées. Du haut de mes huit ans, je m'imaginais notre père rentrer du travail ce soir-là et tout arranger, réveiller ma mère et me féliciter d'avoir été aussi courageux, d'avoir veillé sur ma sœur, avoir rangé le salon. C'est drôle comme enfant, on s'adapte à n'importe quoi, on se réfugie dans un monde qui a du sens pour nous. On se réfère à ces comptes cruels qui nous sont lus, où il y a toujours une happy end. Ou du moins une morale, où en fin de compte tout a du sens, rien n'a été en vain.

Je me suis endormi sur le fauteuil, enveloppé dans une couverture, après avoir soigneusement balayé les bris de verre. Il n'a pas fallu longtemps avant que je m'endorme. Suffisamment longtemps pour que le soleil se lève.

Ce à quoi on ne pense jamais, c'est combien nous dépendons de nos sens. Privé de l'un d'eux et on est complètement désorienté. Sans ouïe, c'est comme voir le monde à travers un bocal. Tout est étranger, même si notre vue nous assure le contraire. Ça a certainement aidé à la déréalisation du moment, je pense. C'était comme être cosmonaute de cette planète.

L'eau avait été coupée, plus d'électricité non plus. Je me suis habillé de ma petite doudoune avec une souris dessinée sur la poche droite. C'est étonnant comme je me souviens spécifiquement de détails aussi insignifiants. Alors qu'aujourd'hui je suis incapable de me remémorer le sourire de ma sœur.

Je suis sorti dans la rue, parce que j'étais sûr qu'il y aurait des adultes, les parents de mes potes seraient là, me prendraient dans les bras, sauraient quoi faire. Il y avait des adultes oui, mais on ne s'embarrasse pas du sort d'un enfant de huit ans hagard, lorsqu'il est question d'amasser des produits de première nécessité, dans les boutiques éventrées de notre quartier devenu méconnaissable.

J'en ai fait de même et suis parti dans la supérette en face de chez nous, inquiet qu'ils ne veuillent rien me vendre, sans un sou en poche. Lorsque je suis rentré dans le magasin, il y avait beaucoup d'agitation, mais pas de caissier. Des étrangers se servaient et sortaient en se précipitant. Ils m'ont vu rentrer et ont arrêté de bouger en me regardant avec stupeur. Imaginez un enfant de huit ans, armé d'une doudoune et d'un sac d'école, arrêter une foule en colère. Ça m'a fait penser au jour où la bande et moi avions été pris la main dans le sac à piquer les fruits dans l'arbre du voisin, stupéfaits de culpabilité et d'un peu de honte aussi.

Quand j'y repense aujourd'hui, je me dis que je m'étais mis en danger naïvement, mais par chance, ces individus qui se battaient à coup de poing et se poussaient violemment à en faire tomber des étalages, avaient pris soin de me créer un passage ample, puis sans heurt m'avaient laissé prendre ce dont j'avais besoin, avant que je coure à en perdre haleine jusqu'à la maison.

Les jours qui ont suivi, j'ai lu des livres et mangé plus de nouilles instantanées. Le bourdonnement s'était un peu estompé, mais je ne savais pas à cette époque, qu'il laisserait place à un silence absolu, pour toujours.

Je m'étais créée une cabane en draps et vêtements, dans laquelle je me réfugiais la plupart du temps. Pour ne plus voir le reste de notre appartement. À l'intérieur, vivait une famille que j'avais vue dans une série TV. La mère était une cuisinière hors pair et ses enfants intrépides, menaient une double vie. Le jour à l'école, la nuit à sauver la Terre. Parfois je les aidais à secourir le monde, parfois je restais avec les parents, à manger des pancakes et leur conter un univers parallèle, où une explosion sans précédent avait défiguré ma ville. Je comprenais bien que je ne pourrais pas rester chez nous indéfiniment, qu'il me faudrait aller chercher de l'aide, mais je ne savais pas exactement comment m'y prendre.

Au troisième ou quatrième jour, en regardant la rue au travers de ma fenêtre barrée, j'ai vu des militaires. Je me suis précipité au dehors, en agitant les bras et hurlant mon nom à plein poumons. Comme je ne pouvais pas entendre ce qu'ils me répondaient, nous avons communiqué par écrit. Nom, âge, qui étaient mes proches, etc. Une fois entré dans le bus désigné à l'évacuation, pour la première fois depuis le début de la catastrophe, j'ai pleuré à chaudes larmes. Moins par les émotions que par la douleur physique, qui était subitement apparue, comme un interrupteur allumé dans ma tête. J'ai appris de la femme assise à côté de moi, que notre quartier avait été parmi les plus épargnés. C'était la première fois que j'apprenais que le centre de Kars avait été rasé de la carte. Nous avions seulement été victimes du contre choc.

“C'est les Chinois ou les Ricains”, m'avait écrit la femme amère, avant de cracher par terre. Je n'avais pas compris sur le coup pourquoi elle était tellement en colère. Comment des peuples que je n'avais jamais rencontré, auraient-ils pu être coupables d'une telle catastrophe ?

--

Cela fait maintenant dix ans que ce cataclysme sans précédent est arrivé. Le gouvernement m'a placé dans un orphelinat spécial pour les enfants comme moi, qui avaient survécu. Comme nous sommes tous sourds, nous avons appris le langage des signes et somme rentrés dans la vie active avec ce handicap, dès notre majorité.

Si vous avec lu les autres posts de mon blog, vous savez que toutes les victimes de cet évènement et moi-même, avant de perdre l'ouïe, avons été témoins du même son durant l'explosion. Non pas le son habituel d'un grand boom, mais des mots parlés, de la musique, même des applaudissements ! Ce son, inchangé, m'accompagne encore fréquemment aujourd'hui. Parfois à la bordure de l'endormissement, je l'entends dans un soudain hurlement, qui me fait tomber de mon lit.

D'abord une phrase en langue étrangère. “В этом случае я бы использовал калодонт!” Puis musique à l'accordeon, rire d'un public et applaudissements. Repetitum ad nauseam.

Les journaux télévisés de l'époque avaient tenté d'expliquer notre version des faits par une forme inhabituelle d'hystérie collective, coïncidant malencontreusement avec l'explosion d'une poche de gaz souterraine, ou par l'effet d'une arme biochimique encore inconnue. Malgré mon jeune âge, j'avais déjà du mal à accepter cette théorie officielle.

Il y a quelques années, après avoir lu mon témoignage dans le journal, l'internaute @Barnaumapapa m'avait contacté pour m'apprendre que cet extrait, qui a causé la tragédie de mon enfance, est en tout point similaire à un vieil enregistrement de l'émission télevisée russe “Club des joyeux et débrouillards”. Dans l'émission, deux équipes se confrontaient au détour de quizz culturels. Après avoir fait mes recherches, j'ai retrouvé l'extrait en question, datant de 1971. Dans l'une des équipes du jeu télévisé, une jeune fille finit une de ses blagues par cette phrase, “В этом случае я бы использовал калодонт” ; “Dans ce cas, j'utiliserais du dentifrice”.

J'utiliserais du dentifrice. À cause de ce putain de dentifrice.

Si l'émission avait été annulée le jour de l'enregistrement, est-ce qu'il y aurait quand même eu un cratère de 2km carré à la place du centre-ville de mon enfance ? Est-ce que mes parents seraient vivants aujourd'hui ? Est-ce que ma sœur serait à l'école ?

Parfois, je m'imagine transporté miraculeusement dans les années 1970, traverser le plateau et sans dire un mot gifler cette fille, avant qu'elle ne puisse finir cette phrase maudite. Je m'imagine la gifler une, deux, trois fois et la secouer de toutes mes forces, lui hurler “Tu sais ce que tu as causé avec ton humour de merde ?!”

-- Voilà chers lecteurs, vous connaissez maintenant l'histoire de ma surdité. Je vous avais promis de la raconter et j'ai attendu ce jour spécial qui marque le triste anniversaire de l'évènement.

Notre gouvernement et ses alliés ont failli entrer en guerre contre la Russie à cause de cette explosion. Leur gouvernement a réfuté son implication en bloc. Selon leurs dires, les talents intellectuels de l'époque soviétiques sont à n'en pas douter éclatants, mais cela n'est à prendre qu'au sens figuré.

La majorité pense que c'est une expérience de secret gouvernemental qui a mal tourné. Évidemment, une minorité pense que des aliens amateurs de nos émissions télévisées, n'ont pu s'empêcher de mettre le son trop fort.

Alors, était-ce une arme de destruction massive de nouvelle génération, une déchirure dans l'espace-temps, une hystérie collective qui a (une chance sur un million) coïncidé avec l'explosion d'une usine souterraine clandestine ?

Toutes les théories sont bonnes à prendre.

En tout cas de mon côté, j'essaie d'oublier et de vivre ma vie. Il y a tant de belles choses autour de nous. Je suis un grand passionné de photographie et prend surtout des photos de chantiers. Vous avez certainement vu ma collection de grues au détour de ce site.

Au début, j'entendais si distinctement la voix de cette fille, la musique, le public hilare. C'était comme si ce bruyant petit monde était avec moi dans la pièce. Les hurlements sont devenus des paroles, puis des murmures.

J'espère que je pourrais enfin ne plus rien entendre avant ma mort.

Suite : Serveur confusion - ep. 03 - Service desk

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Maintenant que j'y suis, je me rends compte de mon erreur. C’était stupide de croire qu’un traducteur électronique suffirait pour se débrouiller en pays étranger. Surtout avec le changement d’alphabet : dans les rues, dans les magasins, toutes les informations utiles m'échappent. Je ne peux même pas deviner les directions indiquées sur les panneaux.
×
J’attends devant sa porte jaune. La logeuse devrait me laisser deux semaines pour la somme que je lui paye, mais on ne se comprend pas. Le boîtier traduit « cinq jours de pension. » Elle essaie peut-être de m’arnaquer. Je dois avoir une tête de candidat.
×
Une fois en possession de la petite clé qui ferme le cadenas de la chambre, vissé sur le panneau au-dessus de la poignée, j’y dépose ma valise emballée et je ne perds pas plus de temps. Le quartier des Monts de pierre est seulement à quelques stations de métro.
×
Les couloirs très propres sentent les fleurs sucrées. Sur les cartes affichées, seuls les chiffres des lignes de transport ne sont pas en caractères inconnus. J’ai un plan dans la poche, imprimé avant de quitter l’Europe. Avec mes annotations je me débrouille pour trouver mon chemin. Je suis l’itinéraire 21 sous des LED pâles mais aromatisées.
×
Rue du Jubilé.
L’immeuble ne ressemble pas à ce que j’imaginais. Vu d’en bas c’est une façade aveugle, miroitante et aveugle. Aucun point de rupture. Je longe sa base. Tous les segments vitrés, opaques, sont identiques.
×
Et je me rends compte que je ne suis pas seul à errer sur les plaques de ciment blanc qui s’étalent autour de l’adresse. Sur le trottoir d’en face, il y a un homme. Qui vagabonde.
Il porte le costume de cadre des quartiers d’affaires, mais son apparence ne me trompe pas. Je sais reconnaître les yeux qui se perdent dans les rez-de-chaussée de ville, pareils aux miens.
×
Comme je suis un étranger, et que toutes les caméras sont entraînées ici, je décide de rentrer. Deux vagabonds dans la même rue c’est deux suspects de trop. Moi j’en ai vu assez pour aujourd’hui. Je ne sais pas ce que l’autre cherche, mais il faut que je dorme. Pour rattraper le décalage. Et pour recevoir les prochains signes.

Toi qui lis ce récit, que je gratte entre les cabines téléphoniques couvertes d'annonces et les lavomatics mal chauffés, tu connaîtras que j'ai fui pour accomplir les visions qui se manifestent à moi lorsque je dors, la nuit.

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Architecture

A

Monsieur le président des États-Unis d'Amérique.

Monsieur,

Veuillez trouver par le présent courrier, le premier rapport de l'Agence de Recherche et Investigation de la Disparition que je dirige depuis sa création.

Dans le cadre de notre investigation, nous avons été contactés par le département de physique nucléaire, nouvellement crée sous l'observatoire de Mauna Kea, sur l'ile d'Hawaï. Ce département fut initialement fondé dans l'objectif de trouver une source d'énergie supérieure à la fusion nucléaire, dont la France est en tête de file. 

Au cours de l'expérience nouvellement baptisée BECKERR, l'équipe de chercheurs injectait avec succès, une paire de neutrons dans leur état supraconducteur, dans un condensât de Bose-Einstein en rotation. Comme anticipé, plus élevée devint la rotation du superfluide, plus la force d'attraction des deux atomes augmenta. Jusqu'au point de rupture où cette force dépassa la pression de dégénérescence de la paire de neutrons. S'ensuivit l'effondrement du système, analogue à l'effondrement d'une étoile à neutrons. En un mot, pour la première fois dans l'Histoire, un trou noir de Kerr fut observé ce jour-là, à l'échelle microscopique. C'est un succès sans précédent qui nous remet en tête de course à l'énergie. L'ergosphère d'un trou noir rotatif, à la bordure de son horizon, a en effet le potentiel de procurer une source quasi infinie d'énergie. Énergie qui, si proprement exploitée, marquerait la fin de la crise écologique dont souffrent nos sociétés contemporaines et ouvrirait un nouvel âge d'or de progrès scientifique.

C'est avec émotion et la plus immense fierté, monsieur le Président, que je vous reportais il y a plusieurs mois, cet exploit historique. Nous remercions le Centre Européen de Recherche Nucléaire de leur précieuse collaboration, ainsi que l'institut JIRA de l'État de Colorado, sans qui les États-Unis ne pourraient être aujourd'hui les pionniers de cette ère nouvelle. Et bien entendu, un succès aussi triomphant n'aurait pu exister sans l'aide de Dieu, qui pave toutes les victoires du peuple d'Amérique.

Or, c'est également avec la plus grande crainte que je vous soumets le présent rapport. Si nous étions conviés par le département de recherche d'Hawaï, ce n'était non pas pour célébrer un exploit, j'en ai peur, mais parce que les résultats de l'expérience BECKERR ont le pouvoir de remettre en question des siècles de progrès scientifique en physique, sous tous ses domaines de recherche. L'enjeu est incommensurable, c'est pourquoi avant de partager ce rapport, nous avons pris soin de demander sa relecture par deux corps indépendants. Les conclusions des organismes convergent vers nos conclusions propres. Nous nous en remettrons finalement, monsieur le président, à la décision de votre cabinet de porter ou non, cette conclusion à la population.

Afin de mettre en contexte les enjeux de cette expérience, je me permets de résumer en quelques mots, le problème de la théorie de la relativité d'Einstein :

Par le passé, nos plus brillants scientifiques ont multiplié les tentatives de marier deux principes fondamentaux, la théorie de la relativité générale et la physique quantique. Les propriétés d'un corps au niveau microscopique ne s'appliquant pas à un corps de plus grande masse. L'impossibilité d'une telle union, fut une barrière à notre avancée, en tant qu'espèce. La littérature scientifique à ce sujet est riche et se décline en plusieurs siècles de frustration. En effet, bien peu des hypothèses formulées par nos savants ne purent être confirmées à ce jour. Et cela, en dépit de la précision chaque année grandissante de nos instruments de mesure.

La rupture entre micro et macroscospique s'est une fois de plus révélée au sein du centre de recherche de l'île d'Hawaï. Un trou noir de Kerr à l'échelle galactique n'a pas, nos confrêres le prouvèrent empiriquement, les mêmes propriétés qu'un trou noir de Kerr tenant sur un doigt. Ce dont nous étions nous-même témoins dans ce centre, rend tangible l'éventualité d'une complète réécriture de toutes les théories physiques et mathématiques depuis l'empire Gréco-Romain. Il est maintenant envisageable qu'elles soient dans leur entièreté, basées sur un mauvais paradigme. Et que notre compréhension de l'Univers ne soit ainsi pas plus qu'une superstition.

L'Homme a toujours considéré la logique qui régit les lois de notre Univers, comme une sorte de grammaire allégorique, dont les mathématiques sont l'expression. Pour paraphraser Gallilée, les mathématiques sont le langage de la nature. Si tantôt celles-ci suffirent à décrire notre réalité, par l'entremise du corps exotique artificielle spontanément apparu, les forces interagissant avec notre plan d'existence sont maintenant non-équivoques. Il n'est pas question d'une grammaire, mais contre toute vraisemblance, d'une structure.

Nous pouvons aujourd'hui affirmer que cette structure se compose d'acier et de tungstène, de papiers, de portes et fenêtres, et de tiroirs. D'autres matériaux - notamment le caoutchouc et la dentelle - furent observés par le soin de notre personnel, mais nous n'en avons pas confirmation. Nous ne sommes pas sûrs de ses dimensions, ni de son ancienneté.

Je vous partage ci-dessous le résumé du premier rapport de notre commission, et fort probablement, le dernier. Que Dieu nous vienne en aide.

Veuillez recevoir monsieur le Président, mes salutations les plus distinguées.

Que Dieu bénisse l'Amérique.

Thomas M.

--

5 juin 1995

Génération du premier condensât de Bose-Einstein dans l'un des laboratoires de l'institut JILA

L'existence du cinquième état de la matière, hypothétiquement présent au cœur des étoiles à neutrons est finalement prouvée, après plus d'un demi siècle.

Décembre 2016

L'agitation de superfluides par laser permet de générer une région de masse négative, au laboratoire de physique de l'Université de Washington.

Jour 0

Le premier trou noir rotatif est synthétisé sur terre, au laboratoire de l'observatoire Mauna Kea, Hawaï. 

Jour 10

Le comportement du trou noir vient à contredire les prévisions du superordinateur gracieusement offert par IBM. 

Ses dimensions restent inchangées, laissant présupposer l'absence de radiations. Son horizon disparaît et l'objet se mute en un trou de couleur noire, si pure que la lumière ne peut s'y refléter.

Jour 17

Notre équipe est dépêchée au centre, pour enquêter sur l'anomalie. 

Dans une première tentative, un endoscope est introduit. Les calculs du superordinateur n'ont pas prédit la réaction du corps artificiel, qui en opposition avec toutes les lois quantiques déterminées à ce jour, s'agrandit de deux fois sa taille avant de se stabiliser à un diamètre de 2 mm. Les images recueillies par le dispositif sont de couleur noire, et nous ne pouvons en extraire aucune donnée.

Jour 18

Notre brillant collègue, chercheur en mécanique des fluides Sean Hoshi, construit de toute pièce un crique miniature, formé de cures-dents. La tentative est un succès, le trou de couleur noire atteignant la circonspection record de trois centimètres.

S'ensuivent les insertions de différents objets de tailles variables. Balle de ping-pong, tennis, et finalement, ballon de handball. 

Il ne sera toutefois pas possible de dépasser le diamètre record de 50 cm.

Jour 19

Nous envoyons un drone télécommandé. La communication avec l'appareil se rompt à la traversée du corps de couleur noire. 

Jour 21

Forts de notre première expérience, nous envoyons un drone préprogrammé pour recueillir des données de l'espace extraterrestre et retourner à son point d'origine, passé un délai de plusieurs minutes. À notre confusion, nous n'avons pas trace de l'appareil après plusieurs heures.

Jour 25

Joowhan Higgs et Stella Lagrange sont recrutés par nos soins, pour explorer cet énigmatique au-delà.

Monsieur Higgs, chercheur en biologie moléculaire et titulaire du prestigieux prix John J. Carter de l'Académie des Sciences, qui est par ailleurs renommé dans le milieu des arts de scène, de par sa remarquable performance de contorsionniste au show télévisé "America's got talent", est unanimement choisi comme le parfait candidat pour l'excursion. Il en est de même pour Madame Lagrange qui, diplômée avec honneurs en Sciences Mathématiques de l'Université de Harvard a, par le passé, poursuivi une courte carrière de gymnaste artistique.

Jour 27

C'est avec horreur que nous assistons à l'effondrement du trou de couleur noire, aussitôt traversé par nos deux consorts. Nous n'avons pas connaissance de l'intégrité physique de nos collègues, et nous craignons le pire. Il semblerait que son interaction avec un observateur conscient ait précipité son instabilité.

Jour 40

Après 13 jours sans nouvelle d'Higgs ni Stella, nous commençons avec le plus grand désarroi, à écrire le communiqué officiel pour leurs familles et proches.

Nos préparatifs sont amenés à leur halte inopinée, lorsque la réception du centre nous fait part d'un appel m'étant destiné. Je peux alors de première main certifier de l'authenticité de son auteure, qui n'est autre que Madame Stella Lagrange.

Cette dernière me relate leur arrivée dans le nouvel espace. Les distances Cartésiennes ne s'appliquent pas à ce milieu, selon ses dires. Si elle lève le bras, elle peut en toucher l'extrémité, mais lorsqu'elle fait un pas, elle ne peut prédire à quel nouvel endroit de la structure elle se situera. Parfois en son centre, parfois à son autre bout. Elle et son collègue doivent prendre routinièrement soin de communiquer leur mouvement et position, afin de ne pas se juxtaposer. Ce qui, selon Lagrange, procure la sensation extrêmement inconfortable de porter des vêtements trempés et froids.

Je la questionne sur les moyens employés pour entrer en communication avec le centre. Elle me raconte avoir pensé nous téléphoner puis, après avoir reculé de deux pas, s'être retrouvée face à un téléphone à cadran PTT24 qu'elle se souvient avoir aperçu dans la maison de sa grand-mère à Dijon, France.

Je lui fais part de notre inquiétude et lui certifie que nous nous efforcerons de leur porter assistance. Madame Lagrange vient alors à m'assurer que “ça ne presse pas”, selon ses mots propres. Notre collègue, Higgs est attelé à l'exploration de la structure et a grande hâte de nous communiquer ses découvertes. Il leur arrive à diverses occasions d'avoir faim ou soif, mais la structure est riche en ravitaillements divers. La veille encore, à ce que j'apprends, tous deux se sont sustentés d'un Kielbasa Tchèque et bu une eau en bouteille du village Idir, Nord Afrique.

Le dialogue est coupé court, lorsque Madame Lagrange m'annonce qu'elle doit retrouver son collègue et continuer l'investigation. Bientôt, m'assure-t-elle, recevrons-nous un second appel.

Jour 62

Nous ne perdons pas la foi et attendons patiemment le second appel promis par le duo en exploration. Notre attente porte ses fruits, puisque nous sommes de nouveau contactés par la réception.

C'est au tour d'Higgs de me faire part de ses découvertes intra-structurelles. Il a recueilli les dizaines de milliers de textes aperçus sur des murs carrelés qui ne sont pas sans rappeler les toilettes de son lycée, dans des dossiers de plusieurs centaines de pages entassés sur des bureaux poussiéreux, et des petits mots doux visibles seulement sous lumière noire, sur des pilonnes d'acier, étrangement similaires à des lampadaires.

Dans les heures qui suivent le début de l'appel, mon collègue m'énumère un grand nombre de ces informations éparses, et dont je me permets de partager seulement un échantillon concis.

  • La mère de notre collègue Fred Amstrong lui transmet que son énurésie jusqu'à ses 16 ans n'est pas sa faute. Son père était un homme violent et à l'origine de beaucoup de ses traumatismes.
  • Lucie n'est pas le premier Humain de l'Histoire. Un plus vieux fossile gît sous une mine de Nord Afrique. Le pauvre individu a succombé à la faim après s'être fait une foulure à la cheville gauche.
  • Le capitaine William Foster a gagné la goélette "Clotilda" en trichant aux cartes. Quelle aurait été la destinée des 124 enfants Africains transportés en son sein, si l'homme avait joué selon les règles ?
  • Nous avons effacé tout enregistrement d'une information sensible communiquée à votre égard, monsieur le Président.
  • Une jeune femme raconte en larmes à son téléphone, qu'elle se sent terriblement, terriblement seule.
  • La structure irradie d'une chaleur estivale et son atmosphère est d'une constante de 24 degrés. Higgs me partage une approximation de la température, quand les instruments en leur possession affichent des données perpétuellement contradictoires.
  • Il est temps que l'Humanité arrête de croire en la fable d'enfant des quatre dimensions.
  • Il n'y a pas de cause, seulement des conséquences et leurs responsabilités.
  • Cet appel sera le dernier.

S'ensuit un bruit fort que je reconnais de mémoire personnelle, comme de celui d'un modem en cours de connexion. C'est ainsi que s'achève la dernière communication avec le reste de notre équipe.

Jour 71

Cela fait maintenant 9 jours que nous enregistrons le bruit de modem véhiculé par le combiné de téléphone, posé sur le bureau de réception du centre. En dépit de nos tentatives et de l'assistance d'un groupe d'experts en télécommunication, nous ne pouvons décrypter le contenu de la transmission. Cette dernière s'arrête en milieu de soirée, donnant suite à un silence sans tonalité.

Jour 196

Nous n'avons pas écho de nos collègues disparus et nous sommes contraints de communiquer à leur famille leur mort présupposée. Il est vent de l'arrêt d'injection de fonds, après l'absence prolongée de progrès dans nos expériences.

Jour 326

Une épidémie de cauchemars et terreurs nocturnes harasse mon personnel, tant et si bien que la force de travail s'amenuise. Les demandes de transfert et démissions se multiplient.

Tous me rapportent depuis quelques semaines, basculer certaines nuits dans un état hypnagogique, dans lequel un bruit de modem est entendu. S'ensuit la présence pressentie de Lagrange, de par son odeur ou son toucher. Dans certains cas, on me reporte entendre le fredonnement de la chanson enfantine Twinkle star, par une voix féminine.

Je décide unilatéralement d'annoncer la fin officielle de l'opération.

Jour 332

Je suis moi-même témoin de l'apparition hallucinée de ma collègue. Je l'entends me dire que notre fin à tous n'est pas de notre faute. Qu'elle n'aura pas de sens pour le faible potentiel de calcul de nos cerveaux humain. Elle me conforte, si ça peut me rassurer me dit-elle, la fin de cette histoire est bercée de chants tribaux. Qu'ils seront proférés avec sérénité. Qu'il y aura beaucoup d'embrassades. Et de couleur fuchsia.

Suite : Serveur confusion - ep. 02 - Mute

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Timothé regardait la pile d'objets en polymer gros comme des boîtes d'œufs, qui s'amoncelait dans son salon depuis qu'il avait emmenagé.
À l'autre bout du fil, une voix monocorde, exaspérante de calme, lui dictait la marche à suivre :
— Votre Box est personnelle et incessible monsieur.
— Ça fait beaucoup de Box quand même, vous ne pouvez pas me débarrasser des anciennes ?
— Nous allons d'abord terminer votre diagnostic monsieur si vous le voulez bien, j'aurai besoin de connaître la date de naissance de votre ancêtre le plus éloigné dont le lieu de naissance se situe en France ou dans un pays de l'Union Européenne hors traité Luxembourg.
Un tableau affiché sur le mur contenait les informations administratives couramment demandées par les services à distance. Timothé fit quelques pas pour s'en approcher.
— Attendez je regarde.
L'agent du centre d'appel lui, observait l'horloge de la salle, par-dessus son écran. Une belle horloge ronde, au design épuré, avec une grande aiguille fine qui tournait sans à-coups. Dans cinq minutes ce serait la fin du créneau. Fin de la journée.
Une réponse arriva sur la ligne : « 14 avril 1857. »
Le téléconseiller pivota dans son fauteuil. Derrière son petit bureau on pouvait voir les toits à l'horizon, à travers l'unique fenêtre de cet emplacement qu'il occupait par pure chance cette semaine. Dans son micro sans-fil, il confirma le verdict :
— Oui c'est bien ce que je disais, il vous faut la Box 8.
Timothé commença à perdre patience :
— Comment voulez-vous que je me fasse livrer cette nouvelle Box puisque je n'ai plus accès à aucune option de livraison ?
— Avec la Box 8 vous bénéficierez de TOUS les services, y compris l'assurance maladie et le suivi postal monsieur...
— Mais je viens de vous expliquer que ma Box 7 ne fonctionne plus !
— Monsieur, pas la peine de vous énerver, vérifiez simplement que vous avez bien renseigné votre code d'authentification fiscale...
— Je-ne-peux-pas !
— Dans ce cas monsieur vous devez vous connecter sur le site France Services en fournissant un justifica...
Une tonalité compressée résonna dans le casque. Timothé venait de raccrocher.
Plutôt que d'enclencher sa dernière prise d'appel réglementaire, l'agent inspira profondément, face à la fenêtre. Demain il serait dans un autre compartiment du plateau, devant un mur. Il rêvait de prendre la grande décision. De tout arrêter dès la semaine prochaine. Ne plus se lever le matin pour répéter des scripts de discussion. Ne plus voir la tête de ses voisin·es de cube, ni celle du manager hargneux à chemise colorée.

Mais pour avoir accès à la Box 9, il lui faudrait renouveler son contrat de travail.

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C'est un vieux médiateur pénal, sénile de 80 ans, qui m'avait envoyé là-bas. Je n'étais pas assez inquiétant pour un vrai tribunal : le travail forcé devait me remettre sur le droit chemin.

« Ici on fournit un service client exceptionnel » annonce l'instructeur.
Je lève les yeux. Les noms magiques des tours sont illisibles d'en bas, mais ici, au 38e étage, on a une vue imprenable sur le royaume des cieux.

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[Edit : c'est bon c'est réparé dans la version 18.1 de Lemmy, déjà déployée sur jlai.lu]

Les filtres "actifs" (par défaut) et "tendances" ont un bug qui rend invisibles les posts plus anciens.

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J'ai franchi quelques couloirs désaffectés, avant d'arriver dans un dernier sas.
Quand je pousse les portes battantes de ce que je crois d'abord être une sorte de réfectoire, un homme posté là, en polo noir, m'arrête avec gentillesse et détermination.
Il prend ma main pour scruter les lignes qui courent à l'intérieur de la paume. En deux secondes il a cerné ma vraie nature :
— T'es un calme toi. C'est bon tu peux passer.
Derrière les portes, je crois que c'est un studio d'enregistrement.

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Microfiction avec des choix et du son :

https://moiki.fr/story/63d693782bd1d40039f80ad6

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Après ces émotions tu te sens toujours un peu vide. Tu ne sais pas si tu as faim, soif, ou sommeil. Tu t’assoies sur une chaise et tu regardes autour de toi dans la pièce qui sert aussi bien à faire à manger qu’à travailler sur une table. Ta cuisine ressemble à toutes les cuisines que tu as connues. Seul le frigo aujourd’hui a quelque chose d’inhabituel. C’est ton frigo, le même qu’hier et avant hier, mais sans doute ton regard s’est un peu modifié sous l’effet du stress, que tu évacues encore péniblement. Ce frigo, à la différence des autres meubles et objets qui composent une tapisserie fonctionnelle, il ne te semble plus aussi familier qu’avant. Comme si la présence du meuble disproportionné, un peu grotesque par ses dimensions dans un appartement trop petit, était le témoin d’une intention extérieure, d’une volonté artificielle. Tu dois avoir l’estomac trop vide pour penser normalement. Tu te lèves, ouvres ce frigo. Il est vide. Ça tombe bien les frigos pleins t’angoissent. Vide à l’exception d’un yaourt, tout seul sur les barres portantes à mi-hauteur. Tu attrapes ce yaourt, et cherche par réflexe de survie la date de péremption, mais ce que tu découvres, c’est autre chose. L’étiquette autour du petit pot est ornée seulement d’un jeu à gratter. Comme les jeux dans les bureaux de tabac, qui promettent des gains, des cadeaux. Rectangle recouvert d’une fine couche argentée, qu’on gratte avec les ongles ou la tranche d’une pièce.

D’habitude ce genre d’arnaque te laisse indifférent⋅e.

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(pour l'admin)